« Nan, mais les gars, faut pas se faire chier avec la taille du véhicule. Le Canada, c’est un peu comme les States, ils n’ont pas de Twingo chez eux, c’est forcement des voitures de oufs »

Voilà,  sur  Skype,  au  moment  de  régler  nos  derniers  détails  pour  courir  ce  raid  sur  le continent américain, comment nous avions résolu le point voiture.

La voiture. Reste plus qu'à faire rentrer 4 vélos dans leurs caisses et 5 bonhommes.

La voiture. Reste plus qu’à faire rentrer 4 vélos dans leurs caisses et 5 bonhommes.

Lundi  midi,  lorsque  nous  arrivons  à  l’aéroport  de  Montréal,  on  se  dit  que  dans l’appellation « mini van », il y a certes Van, mais surtout Mini.

900 bornes maintenant nous attendent pour rejoindre Carleton sur mer, base de vie du raid International  Gaspésie.  Pendant  ces  9  heures  de  route  nous  aurons  donc  le  temps  de  se saisir de l’ambiance du Canada et de faire plus amples connaissances.

‘Nous’, ce sont trois ‘Chauds Patates » : Gaëtan Janssens, Benoit Pavée et Baptiste Lucas. Nous avons  l’habitude  de  courir  ensemble  depuis  quelques  années,  même  si  Benoit  à  été  le dernier à intégrer notre bande. Pour ce raid, pas besoin de féminine obligatoire, le 4ème donc un  Joker de Luxe, Benoit Peyvel, l’orienteur star de l’équipe Lafuma, qui a à coeur de prendre une revanche sur son abandon lors de la  finale du championnat de France la semaine précédente.
Le cinquième, Daniel, mon père, sera  chargé de l’assistance. Et dans ce raid qui se jouera en partie sur les transitions, il aura un rôle vraiment important. Nous porterons les couleurs de Trails Endurance Mag qui nous a permis de participer à cette épreuve.

 

Mardi midi, nous arrivons enfin à Carleton, sur le lieu de course, après une nuit à avoir dormi comme des manouches sur la pelouse d’une villa en bord de route. Nous sommes contents de  poser  nos  valises  à  l’Hôtel.  Le  personnel  est  à  l’image  de  tous  les Québécois  que  nous avons  rencontrés  jusque  là  :  ils  ne  savent  pas  dire  non  !  C’est  donc  avec  leur  accord  que nous préparons et graissons la chaîne de nos vélos sur la moquette de leur salle de réunions, et  que  nous  prendrons  leurs  ordinateurs  de  travail  pour  donner  des  nouvelles  au  pays  et prendre les dernières infos du RIF. Rien à dire, ces gens là connaissent vraiment la définition du mot « accueillant ».

Le  petit  footing  de  45  minutes  permettant  de  dérouler  les  jambes  après  le  long  voyage nous  fait  prendre  contact avec le  terrain et l’environnement. Nous  sommes ici  sur la Côte océanique  de  la  « Baie  des  chaleurs ».  Derrière  nous,  les  massifs  forestiers  forment  des collines  qui  montent  à  600  m.  Au  milieu  d’elles,  de  superbes  rivières,  dont  la  renommée vient des saumons qui la remontent une fois l’an. Voilà pour le terrain de jeux. Maintenant dodo, on a 6 heures de décalage horaire à récupérer…

Carleton sur Mer

Carleton sur Mer

 

Mercredi,  journée  de  veille  de  course.  Tous  ceux  qui  ont  fait  des  grosses  courses  savent comment ces journées sont éprouvantes. On a envie que la course commence enfin, de se débarrasser  des  quelques  doutes  que  l’on  a  sur  notre  forme  physique,  sur  le  matos…  Du coup, on passe le temps en bricolant nos vélos, en pédalant quelques peu sur les hauteurs de la région pour admirer la vue grandiose, en faisant les emplettes de nos vivres de courses, à base de sirop d’érable et de coca.

En mode touristes !

En mode touristes !

Fin d’aprèm, remise des dossards et présentation des équipes. Là, on commence à rentrer dans le « show à l’américaine ». Les 30 équipes de 11 nationalités différentes sont présentées devant le public par des animateurs spécialement embauchés pour l’occasion.

Si le parcours est à l’image de cette cérémonie et du buffet de bienvenue, alors c’est sûr, on va se régaler !

 

Jeudi, jour de prologue. Après le grand beau des jours précédents, le brouillard et la pluie sont venus s’inviter à la fête. Le matin, on récupère des cartes, Benoit Peyvel sera l’orienteur principal, Gaëtan le  second. Les cartes  sont au 50 000ème et  sont  tirées des  fonds de carte Garmin. Pas le top niveau précision, il faudra bien s’appuyer sur le road book qui est quant à lui très détaillé.

On se  retrouve enfin au bout de la digue pour lancer le départ. Une  foule de photographe et l’hélico  sont là pour immortaliser ce moment. Pour l’occasion, 90 jeunes vont  faire une partie du prologue avec nous.

Top départ. D’habitude, on part fort, mais nos collègues transatlantiques encore plus ! On a rarement vu une course partir aussi vite. Les deux kilomètres de course à pied sur la plage nous  permettent  de  revenir  tranquillement  dans  le  groupe  de  tête,  puis  d’enchainer  en première position sur un cours VTT ultra roulant aux allures de courses cyclistes. Après ces apéritifs, on s’élance sur un  trail de 8 kilomètres qui nous  fera monter au Mont St  Joseph, point  culminant  de  la  course.  Au  Canada,  le  réseau  de  chemins  n’est  pas  très  complexe. Soit  ce  sont  des  énormes  pistes  de  10m  de  large  très  roulantes  permettant  de  se  rendre d’un point A à un point B ; soit ce sont des chemins de randonnée très aménagés (pont, sol stabilisé, pas une pierre qui dépasse) permettant de longer de jolies  rivières, d’aller à des points de vue ou encore de visiter des cascades. Si on veut sortir de ces chemins, c’est « Bush walking », ou sessions de sanglier dans les sapinettes et les pentes escarpées.

Ambiance au sommet !

Ambiance au sommet !

Ce prologue nous aura permis de découvrir un peu  toutes ces  facettes et le premier « Bush walking »  nous  permet  d’atteindre  le  sommet  avec  quelques  minutes  d’avance  sur  nos poursuivants.  Petite  section  de  corde  là-haut  dans  le  brouillard,  puis  redescente  effrénée, d’abord à pied, puis ensuite en vélo pour  rejoindre l’arche d’arrivée. Mais avant, il y a une balise à pointer en canoë sur un ilot. Ces quelques centaines de mètres de navigation vont nous  conforter  dans  l’idée  que  sur  toutes  les  épreuves  de  canoë,  on  va  « ramasser »  par rapport à nos concurrents…

Nous terminons ce prologue de 2h30 avec 8 minutes d’avance sur les canadiens de Dynafit. On ne le sait pas encore, mais cet écart sera très important pour la suite.

Une bonne douche, la prochaine ne sera que dans 3 jours, une bonne pizza pour la récup et au dodo. Demain, la vraie course commence !

 

Vendredi Jour 1. Cette journée, on le savait, ne sera pas en notre faveur. Très axée bateau, avec 25 kilomètres de descente le long de la Cascapedia, rivière à saumons réputée pour ses eaux claires et pures.

Ce jour là, on n’a pas été bons. Transitions loin d’être optimisées, erreurs de quelques minutes en CO (on passe à 1m de la balise sans la voir), on chavire avec les vélos sur le canoë, je manque de me noyer en traversant une rivière le vélo sur le dos… Bref, de nombreuses péripéties qui nous ferons rire après coup, mais le bilan c’est 18 minutes de lâchées sur nos dauphins de la veille qui ont maintenant 10 minutes d’avance. La bataille va être rude, car en plus d’être rapides, les Dynafit ne font pas d’erreurs. Et quand on voit comme c’est difficile de s’échapper du peloton sur ce tracé ultra rapide et roulant en vélo…

Vélos + Canoë = grosse galère.

Vélos + Canoë = grosse galère.

D’ailleurs, en vélo, nous aurons roulé toute la journée avec la sympathique équipe mixte canadienne de « la Mundial » dont leur féminine Lyne Besette, une ancienne pro cycliste, nous aura impressionnés (c’est la seule qui a un tire minette dans leur équipe et le pire c’est qu’elle s’en sert !)

On récupérera le soir en mangeant du saumon cuit à la manière locale, arrosé de Sirop d’Erable. Dans le beau ciel clair, on aura droit à une aurore boréale (enfin, ceux ne dormaient pas déjà à 20h30) et aux premières gelées de l’année.

Samedi Jour 2. On ne part pas vraiment confiant, la première épreuve est un canoë de 2 heures qui nous permet de terminer la fin de la rivière Cascapedia et de pagayer un peu sur l’Océan. Comme toujours, je suis dans le même bateau que Gaët, les deux Benoit devant nous, essayent de nous donner le rythme sans succès. Depuis la journée de la veille, nous avons compris qu’il fallait considérer ce raid comme un raid « court ».

Top départ !

Top départ !

Du coup, on optimise un maximum les transitions, jamais plus d’une minute. Après le bateau, on enchaine par plusieurs petites sections dont une que l’on avait bien pris soin de stabiloter la veille. Une section trail, avec une montée de 400m, ce qui n’arrivera pas souvent dans cette course. Avant cette difficulté, on prend bien soin de s’alimenter et on serre les dents. Nous faisons donc un gros effort, mais il est payant. Nous rattrapons et doublons les équipes une à une, pour finir cette section en tête avec une légère avance sur le peloton. C’était bien grisant, même si mon caleçon doit garder des traces de l’effort. Malheureusement sur le VTT suivant de 40km le long d’un parc éolien, nous faisons quelques hésitations et une seconde erreur d’orientation (alors que le bon chemin était balisé) qui nous coûte 5/6 minutes.  Notre orienteur grogne, il s’en veut. Du coup, il ne fera plus d’erreurs jusqu’à la fin du raid et mettra un point d’honneur à mettre un rythme d’enfer ! Nous terminons cette section en peloton. Benoit Pavée est content, ça lui rappelle son passé de coureur cycliste les roues dans les roues.

Pour l’épreuve suivante, l’organisation a eu la bonne idée de nous inventer une épreuve. On l’appellera : « Tire ton Canoë dans 10 cm d’eau sur 4 kilomètres » !

10661737_10152688927856425_2163387745176761629_o

La photo est trompeuse, le mulet se trouve à l’arrière.

A ce jeu là, Gaëtan m’a vendu du rêve. Il s’est attaché au bateau comme un mulet, et en avant ! Nous sortons de ce marais un peu en retrait par rapport aux 5 autres équipes de tête, mais nous comptons sur le dernier VTT pour nous refaire.

Ca tombe bien, celui-ci comporte un bon taquet de 300m+. On s’attache tous ensemble et le train est lancé. Comme ce matin, on redouble toutes les équipes une à une, pour franchir cette fois-ci l’arrivée en tête au bout de 6 heures de course. Nous sommes contents, nous avons repris sur une très courte distance 5 minutes à nos adversaires directs ; il en reste encore 3 à aller chercher le lendemain, mais mentalement, nous avons deux avantages : nous pensons être maintenant plus forts physiquement que nos adversaires et il y’aura très peu de bateau demain.

Pour ce bivouac situé autour d’un foyer de ski de fond (à 200 m d’altitude, ça fait rêver), on hallucine un peu en voyant le support logistique des Canadiens : groupe électrogène, phare allogène, trépied pour réviser les vélos, gazinière et remorque pour les vélos du type « box à chevaux »). On se marre en imaginant un tel déploiement de moyens sur le Gévaudathlon, puis on s’endort pour une bonne nuit.

Dimanche Jour 3. Il a bien plu cette nuit, le terrain est détrempé. On est déterminé à prendre la course à notre compte dès le départ. On part fort, mais c’était sans compter sur Lyne Bessette, qui ne veut pas prendre de boue dans les yeux et a décidé de faire le rythme. Finalement, avec nos amis de la Mundial, nous nous détachons des autres équipes pour pouvoir partir sur une section de « Bush walking » sans adversaires dans le rétro.

Une section légèrement humide !

Une section légèrement humide !

La balise n°4, que l’on pointera dans cette section, fut annoncée par l’équipe d’organisation comme « LA balise » du raid. Cette coquine, en effet, se trouvait dans le lit d’une rivière, à 3 mètres de profondeur, dans une eau bien fraiche. C’est Gaët qui s’y colle, (bien que normalement, cette tache devait m’être attribuée, la faute à un pari perdu) et grâce aux lunettes de piscine achetées la veille au soir, il poinçonne sans souci. Du coup, comme notre ami a froid, on court a fond pour se réchauffer. Et puis, tant que l’on y est, on pédale à fond aussi. Et quand arrive la superbe épreuve de coastering (comprenez « courrez à moitié dans l’océan en longeant les falaises »), nous reprenons froid. C’est donc tout naturellement que nous forçons comme des fous sur les dernières épreuves de canoë et de vélo avant de franchir l’arrivée. Cette dernière journée fut superbe pour nous, car tout a fonctionné comme nous l’avions prévu la veille : l’équipe fut bien huilée, les assistances avec Daniel ont été bien fluides, et enfin nous avons pris un pied fou à courir dans de tels paysages !

Le raid, c'est bô !

Le raid, c’est bô !

Alors oui, biensûr, il y a la victoire et cela accentue le plaisir. Mais un raid à l’étranger, c’est quelque chose. A ceux qui ne comprennent pas l’intérêt de ne passer que quelques jours à l’étranger, juste pour faire du sport, je leur répondrai : pour nous, il n’y a rien de plus frustrant que de découvrir un territoire sans aller au sommet du coin, sans mettre les pieds dans la boue et dans les rivières locales, sans se faire déchirer la peau par la flore locale ! Pour nous, c’est le meilleur moyen de découvrir un endroit et c’est pour ça que nous n’avons qu’une seule envie depuis que nous sommes rentrés : se refaire tamponner le visa pour découvrir un autre lieu sauvage et inconnu avec les copains !

Nous ne pouvons clore ce récit sans dire un mot de l’équipe d’organisation et des bénévoles. Alors oui, les organisateurs ont sorti l’artillerie lourde coté médiatique, partenariats, cérémonies officielles ; mais tout cela en proposant un parcours parfait, avec des bénévoles et des organisateurs aux petits soins, nous rappelant les bivouacs du raid Edhec. Et encore merci à Trails Endurance Mag !

Bref, c’est une course très rapide, qui change des formats coupe du monde, mais qui nous a vraiment ravis. Une course à faire, une région à visiter !

*Les photos sont l’oeuvre du photographe Sud Africain Jacques Marais