13 jours. C’est 13 jours avant le départ qu’on me propose de prendre la place de Nicolas Rambier dans l’équipe DNS74, victorieuse au Chili en avril dernier.
L’ami Nico a une névralgie et ne souhaite pas mettre son équipe en situation d’échec avec les longs kayaks prévus.
Cette place c’est pour le championnat du monde de raid aventure. ARWC. C’est donc la course la plus relevée de l’année et le support en 2016 c’est le « XPD » en Australie.
La place est gagnée, les billets payés par le sponsor, … difficile de décliner. Courir avec Fanny me réjouit, mais je n’ai encore jamais partagé l’équipe de Manu et Lionel.
Côté forme, c’est pas la joie, mais j’ai bien récupéré de Raid In France et je ne me sens pas fatigué.
Je sais que c’est un raid qui ne me convient pas. Il y a une très grosse partie sur l’eau (180km à la rame) et les autres épreuves ne sont à priori pas typées montagne. Mais ce profil n’est pas à l’avantage des Français en général, donc l’idée de rejoindre l’équipe n’est pas délirante. Le soutient d’une femme conciliante, il n’en faut pas plus pour dire Banco !

Peu de temps pour préparer le sac, on décolle pour le pays des kangourous 6 jours après le coup de téléphone de Fanny.

Un court séjour à Sydney pour découvrir la ville, faire un bec à Audrey et Alban mes copains expatriés, nous voilà en route pour le race HQ, Ulladulla. Petite ville portuaire 300km au SUD de Sydney.
On loge dans une belle maison louée via AirBnB. C’est une magnifique baleine qui fait le « welcome show » à notre arrivée. On reste sans voix, quelle chance d’être là !

Les préparatifs vont bon train. On trouve sans mal de quoi remplir les caisses de ravitaillement au supermarket du coin. Les quelques jours qui précèdent la course nous permettent de bien nous remettre du décalage horaire (+11h) et le jour J qui se fait attendre arrive enfin.

Mardi soir, on participe au prologue, une série de jeux d’intégration. A 3 équipes face à 3 on s’affronte sur des lancers de balles, courses sur sable et autres jeux de plage. L’occasion d’introduire la soirée inaugurale et de se mettre dans l’ambiance.

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Mercredi, la dernière journée avant le grand départ est consacrée à la pesée des différentes caisses que l’on retrouvera tout le long de la course.

Une dernière nuit et le jour J arrive finalement.

Demandez le programme

Demandez le programme

Après avoir été isolés 2h dans une grande salle pour tracer nos itinéraires sur l’ensemble des cartes de l’épreuve, un bus nous emmène à Jervis Bay, une immense baie connue pour ses eaux turquoises, plages de sable blanc et mammifères marins en nombre (dauphins, baleines, phoques).

Je redoute cette première section. 35km de kayak de mer, face à une horde déchainée de raideurs venus des 4 coins du monde.
Après un court départ à pied, on rejoint vite nos embarcations. Un départ rapide nous permet d’éviter les coups de pagaies en sortie de plage.
Mais nous avons fait une erreur au moment du choix des bateaux (Deux bateaux différents par équipe : un sit-on-top jaune 3 places et un surf ski avec gouvernail 2 places) notre surf ski a le gouvernail à l’avant.
Ce qui parait être un détail, s’avère problématique car le petit gabarit de Fanny ne permet pas de tendre suffisamment les câbles qui tiennent et dirigent le bateau. C’est beaucoup d’énergie perdue pour nous deux.
Fanny souffre aussi car sa pagaie, qui n’a pas d’attache rapide, ne tient pas bien serrée et tourne sur elle même. Elle a donc du mal à s’en servir et cela lui fait mal aux articulations.
La section est longue, comme prévu, mais nous trouvons notre rythme, laissant sur la deuxième partie le carton de pointage aux garçons.
Juste avant de débarquer, un magnifique dauphin vient nous faire le spectacle à quelques mètres des embarcations. Superbe.
A l’arrivée il nous est demandé de remonter les canoës sur les camions. Certaines équipes se sont contentées de laisser le bateau au pied des remorques.
J’aide à monter le notre. Le créneau est mal tombé, on en est à remplir le 3ème étage de la remorque, et surtout de compléter une rangée déjà bien pleine. L’opération me demande beaucoup d’efforts et de temps. Je laisse finalement le travail à moitié terminé, je ne peux pas y consacrer plus de temps, surtout face aux autres équipes moins fairplay qui ont filé tout de suite.

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Qu’il est bon de courir. On est déjà plus dans notre élément ici, même si le profil est très plat. On parcourt les plages de Jervis Bay à vive allure, jonglant entre le sable blanc durci par les vagues et les passages en rocher. Je prends quelques instants pour sortir la camera du sac de Lionel et faire quelques images.

Avant de se lasser de cette enchaînement coastering, on quitte la baie pour rejoindre les terres. Arrivés dans une petite ville, notre premier kangourou montre le bout du nez et nous fait le show : il franchit d’un bon léger une barrière d’1m50 de haut. #joie

Après une transition rapide, nous voilà à nouveau sur l’eau. On a changé la configuration des bateaux. Je suis seul à l’arrière dans le surfski. je prends la vague de mes 3 coéquipiers dans le bateau jaune. La vitesse semble correcte, mais elle est difficile à évaluer.
On se fait dépasser par quelques équipes imprenables.
Après un bout de rivière, on termine finalement cette seconde section bateau.

On croise Naturex à la transition ce qui nous rebooste, on a pas dû être si mauvais. Je suis content d’en être arrivé là. Sont à suivre un gros VTT de nuit et un long trekking. Autrement dit on ne reprend pas l’eau tout de suite et j’en suis ravi.
Le départ VTT est roulant. Sur cette première partie on revient sur Bones, qui roulent à un rythme très proche du nôtre.
On effectue une grosse montée sur un plateau, via une route. La descente est terriblement technique et Manu déborde d’énergie pour faire passer le vélo de Fanny par dessus les énormes blocs de rocher et aux travers des arbres. Lionel et moi sommes bien heureux de nous contenter de nos vélos grands gabarits.
L’Orientation n’est pas difficile, mais nous faisons une sortie de carte avant le lever du jour et on lâche quelques précieuses minutes (20 à 25 minutes).
On rejoint la transition peu après le lever du jour, et on croise Columbia (ils finiront 3ème).

La transition est laborieuse, on laisse de nombreuses minutes par manque d’organisation et de communication. C’est un point à travailler énormément, car on peut y gagner des poignées de minutes, mêmes minutes impossibles à gagner à la pédale.

On repart finalement.
Cette section de coastering ressemble à la première, avec un peu moins de plage et un peu plus de passages en sentier. Merry Beach puis Pebbly Beach, où se baignent les kangourous.

Fin de section avec une balise un peu technique où on est contents de ne pas être seuls et une traversée de rivière sympa sur un kayak.

On partage notre section avec les 15 et les 31, les Canadiens Tecnu et les Américains Bones.

La transition n’est pas rapide, mais il faut prendre soin des pied, laver, sécher, talquer…
Lionel est blessé. Il s’est fait mal en descendant le kayak avant le départ, puis en le remontant à la fin de la première section. Il ne va pas ramer de la section, sauvegardant son biceps pour les sections de vtt et la dernière très grosse section de Kayak à suivre.
Se retrouver au départ d’une section de 35km de Canoë, après plus de 24h de course, assis dans un sit-on-top trop lourd et contreperformant, avec dans le bateau voisin un copain qui ne peut pas ramer, ce n’est pas très rassurant. Surtout pour moi qui suis de loin le moins entraîné et expérimenté en kayak des 4.
Mais passé ce moment de doute, nous prenons un bon rythme Fanny et moi. La miss a pu récupérer la pagaie de Lionel qui ne rame pas et donc retrouver un peu de confort.
L’eau de la rivière Clyde est pleine de grosses méduses couleur rouille. Peut-être 40cm de diamètre.
Je discute avec ma teammate et le temps passe plus vite. Je prends même pas mal de plaisir. (du plaisir à faire du canoë des heures durant ??!)
Malgré notre vitesse forcément plus lente qu’une équipe bien entrainée et en pleine possession de ses moyens, personne ne nous revient dessus. Ce qui est plutôt encourageant.
On finit en accrochant le bateau des copains pour soulager Manu qui a mal au poignet et qui rame seul depuis le départ.
Avec la carte sous les yeux, je peux évaluer les kilomètres restants et lâcher ce qu’il me reste d’énergie pour en finir au plus vite. Nous avons prévu de dormir à la fin de section.
La nuit tombe et une seule frontale suffira pour boucler les derniers mètres vers le débarcadère.
On retrouve nos deux reporters, Francis et Pierre, quel plaisir de les retrouver.

Après une douche et un bon dodo (presque 2h) nous voilà repartis sur un VTT. Je suis toujours frustré par notre lenteur de transition.

beau sac de nœuds non ?

beau sac de nœuds non ?

Le profil de la section est assez brutal et on passe pas mal de temps à pousser le vélo. Mais la progression est bonne. On rattrape deux équipes un peu après que la pluie se soit mise à tomber.
Manu s’excite un peu et tombe deux fois coup sur coup.
Le ton monte un peu quand on essaie de lui expliquer que la bonne attitude est de conserver notre allure déjà plus rapide que celle des autres et de ne surtout pas se mettre en danger.
La fin est plus roulante. Je manque de mettre mon dérailleur dans les rayons mais réagis à temps. Manu réussit un dévoilage de chape au petits oignons et on repart croquer encore une dernière équipe avant de retrouver les caisses.

La pluie s’est arrêtée.
Voilà enfin LA belle section que j’attendais. Je l’avais repérée pendant le traçage. Une longue bambée dans le bush, un parc National au profil plutôt montagnard. Morton National Park.
Je suis satisfait d’être arrivé là, c’est déjà un beau chemin.

petit déj !

Le rythme imprimé dans la première côte est un poil trop rapide pour moi. Je gère. On est 3 à freiner Manu qui serait à la limite de courir alors qu’on s’élance pour plus de 10h de marche. C’est finalement sur le rythme de Bones qu’on se cale.

la partie montagne

la partie montagne – Point haut de la course, 867m !

Le sentier étroit traverse la forêt primaire : grand arbres, fougères arborescentes, rochers, racines. Avec la pluie de la nuit, il est facile de trouver de l’eau sur le début du parcours.
Je suis surpris par ce sentier, perdu au milieu des montagnes, très peu accessible et pourtant aménagé (tronc coupé, bûches posées, …).
On marche avec les 34, Australiens de « Mountain Designs Tiger Adv » vainqueurs du XPD précédent et toujours les 31 Bones.


Arrive ce moment gênant où tu sais que tout déchet humain est interdit sur cette section, et qu’un des membres de ton équipe glisse qu’il doit vraiment faire la grosse commission.
L’un de nous finira donc cette section avec son caca dans un plastique accroché au dos de son sac.
A la fin de la zone montagne, un superbe spécimen de » brown snake » nous coupe le chemin et nous rappelle le caractère hostile des territoires traversés.
Quelques hésitations, une fin de section un peu longue mais où la solidarité s’exprime. La nuit tombe et les caisses à vélo approchent.

Une nouvelle transition difficile, (1h contre 30min pour les copains de Naturex par exemple).
La section est très roulante, 100% route, 70km et à peine 500m de dénivelé. Roue dans roue, la vitesse est parfois grisante.
On manque de percuter un wombat qui surgit des obscurs bas-côtés.

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Petit passage d’absence pour Fanny qui dort éveillée. Mais on rattrape une équipe, il ne lui en faut pas plus pour reprendre du poil de la bête.
Nous voilà vite arrivés à la section de spéléo. 5h neutralisées pour la grotte, on devrait pouvoir dormir !

Mais non. Ce n’est pas une grotte, mais un réseau de plusieurs grottes, qu’il faut chercher et explorer !
La carte est très particulière. Pas de légende, pas de rose des vents et le haut n’est pas au Nord.
Je comprends assez vite que les petites flèches représentent les fonds de vallon et leur sens, mais nous mettons plus d’une heure à trouver la première grotte.
Quelques minutes de sommeil auraient pu nous aider.
Les autres cavernes sont aussi difficiles à trouver mais l’expérience de la première et le jour qui s’est levé nous aident.
La progression dans les cavités est souvent bien compliquée, avec des passages très étroits où il faut se contorsionner.
Sans doute la section la plus engagée de ce championnat. Mais une belle section.

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Un tout petit peu plus de 5h se sont écoulées depuis notre arrivée et nous décidons de prendre du sommeil comme prévu, en temps de course.
Alors qu’on prépare notre transition, les copains de Naturex se reveillent et terminent la leur.
1h30 à 2h nous séparent, c’est motivant.
Après une transition ratée et un trop court sommeil, nous repartons à l’assaut de l’enchainement pack-raft / canoë pour un total de 100km. Un programme qui laisse rêveurs les petit raideurs français que nous sommes.

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On commence par un peu de Trek bien chargé (sacs de course + packraft + pagaies).
La course quitte le plateau pour rejoindre le fond de la vallée via un raide sentier.
Au pied, le canyon est grandiose. Entouré par de grandes falaises, on chemine d’abord sur des bancs de sable et de galets, puis au travers de gigantesques blocs où la chute n’est pas permise.
J’aime ce genre de voyage, mais les deux packrafts que je transporte dans mon grand sac me handicapent un peu. On est pas très rapides.
Personne ne réalise qu’on manque certainement de sommeil pour avoir un peu plus d’énergie et de tempo. On est focalisés sur notre objectif de terminer la partie packraft qu’il est interdit de faire de nuit avant le couvre feu de 20h.
Belle rencontre d’un local amical au coeur du canyon. Les Australiens sont très ouverts et vraiment amicaux.

On retrouve Pierre à l’endroit où il faut embarquer sur la rivière : la Scholhaven. C’est toujours un plaisir de le retrouver. Il prend quelques photos.

départ

départ pour Fanny et bibi

Les embarcations sont vite gonflées et les premiers coups de pagaies permettent de prendre en main ce nouveau moyen de locomotion. Courts et très légers, les packrafts réagissent au moindre mouvement. L’avantage est de pouvoir passer dans des zones où il y a peu d’eau et de descendre des zones de rapides compliqués. J’ai adoré ce petit jeu de slalom proposé par la rivière.
On partage la descente avec deux autres équipes de costauds, habituels 34 Mountain Designs et une équipe de NéoZ avec Isla Smith qui a couru et gagné le RIF cette année avec Seagate.
Petit à petit, au fil de la section et des rapides, Fanny perd son énergie. Elle s’arrête de ramer d’abord par intermittence, puis définitivement. Enroulée dans sa gore-tex elle tente de se reposer et de lutter contre le froid. Elle doit vomir à plusieurs reprises. Ce coup dur pour notre coéquipière tombe alors que je suis en bonne forme ce qui me permet de rester au contact des deux gars dans l’autre bateau.
La météo est changeante. On se prend de grosses rafales de vent, 8 fois sur 10 dans le dos heureusement. Un petit crachin nous permet le spectacle merveilleux d’un double arc en ciel droit sur notre trajectoire.
Le spectacle est fabuleux, et nous le vivons pleinement.
On force jusqu’au CP37 à partir duquel la navigation de nuit est autorisée (au delà de 20h). On le rejoint un peu avant 19h et laissons filer les deux équipes pour refaire une santé à Fanny. Les supers bénévoles allument un feu, on se change, Fanny dort un peu. On reste presque 3h et personne ne rejoint ce CP avant la dark zone de 20h ni pendant tout notre séjour.
Par manque de lucidité on oublie de profiter de ces heures pour dormir nous aussi.
L’esprit en manque de sommeil laisse une grande place à l’imagination. La forêt d’en face, au delà de la rivière, est une oeuvre majeure. Je vois dans le feuillage des arbres de milliers de personnages en relief, souriant, s’accolant ou riant à gorge déployée. Des nains, des ogres, des sorcières, des personnages de BD. C’est super riche. Je profite de ces moments uniques d’hallucinations éveillé.
On repart un peu plus tard quand la nuit est bien installée, remerciant chaleureusement nos hôtes d’un moment. La fin de la section packraft est un long plat, mais nous profitons de la pleine lune. C’est même la « super lune ».
La lumière qui émane de la robe blanche de notre reine des nuits éclaire toute la vallée. Je lutte contre le sommeil et laisse échapper mon jeu de cartes sans m’en rendre compte.
On retrouve Francis et Pierre à la transition avec le Canoë.

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Nous voilà repartis, de nuit, pour une dernière et longue section de navigation. La navigation est difficile de nuit. Il faut trouver les bons passages et rester où il y a du fond.
Le jour se lève. C’est un beau cours d’eau, il n’y a personne qui habite les rives.
La rivière serpente et l’objectif semble hors de portée. Le soleil est maintenant plus haut dans le ciel. Une équipe nous rattrape à vive allure. C’est à peine croyable leur vitesse. Ils sont impossible à suivre.
On prend un coup au moral car on imagine qu’ils ont commencé à ramer au petit jour, après la dark zone du packraft. (Avec le replay, à la maison, je réalise qu’on ne les a simplement pas vu dormir à la transition)
On essaie une configuration de bateau différente. Mais je dois mettre les holàs. Cette nouvelle configuration où je rame seul sur le surfski m’use plus. Prendre soin de toi tu dois jeune padawan.
Cette fin interminable rappelle celle du raid in France 2 mois plus tôt. Je me concentre sur l’effort et le mouvement. C’est une configuration de méditation. Or course, je m’initie doucement à cette pratique spirituelle. Et je crois vivre un moment privilégié où j’ai le vide dans mon esprit et je peux concentrer mon esprit sur n’importe quelle partie de mon corps avec une attention inégalée. Quelques minutes de pleine conscience vraiment puissantes et mystiques.

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La section se termine quelques minutes après.
On profite de la douche mise à dispo à la transition. Je répare ma caisse vélo qui tombe en miettes. La transition est correcte. Sur le papier on avait prévu de dormir un peu à cet endroit. Mais c’est l’après-midi et on aborde pas le sujet. En avant qu’on en finisse ! 🙂

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Après un départ calme, on attrape vite une vitesse plus importante. Ca sent un peu l’écurie : on lache un peu les chevaux. On avale déjà presque 50km en 2h30 et un premier petit plateau. Le jour s’achève alors qu’on attaque une belle montée à pied.
Manu semble un peu à la peine, Lio lui prend son vélo. J’en profite donc pour prendre le lead en orientation et conserver la fluidité.
On progresse bien sur ce second plateau. Malgré le peu d’éléments présents sur le terrain, j’arrive bien à suivre notre progression avec la boussole et la carte où les chemins sont dessinés fidèlement. On doit effectuer quelques brèves pauses de micro sommeil (5min) car le manque se fait sentir dans les parties monotones.
Je le sens bien, il ne reste pas grand chose avant de basculer dans la dernière descente délivrante. Et l’avance à l’arrière semble confortable.
Arrivés au bout du plateau, au moment de passer une barrière qui précède une traversée de route, Manu disjoncte.
Il souffre de manque de sommeil, de ses pieds dont il ne supporte plus les douleurs (ampoules + crevasses), de ses mains gonflées avec lesquelles il n’arrive pas à tenir son guidon. Il doit sans doute être aussi en hypo. L’ensemble de ses maux, associé à un passage à vide moral le débranche complétement.
S’en suivent de longues minutes de lutte psychologiques à essayer de comprendre et raisonner notre coéquipier.
Nous cherchons par tous les moyens à l’aider, mais rien ne semble fonctionner. Anti-douleur, Anti-inflammatoire, Coca, nourriture, encouragements.
C’est comme si l’envie et le sens l’avait quitté. Des larmes de fatigue, de colère, de tristesse coulent en abondance. Après 1h30 de piétinement on repart doucement.
Pour nous pas question d’abandonner, mais que faire ? Mais à ce rythme on ne terminera jamais. Et nous ne saisissons pas ses intentions, et son attitude nous parait théâtrale sur-jouée.
Une équipe finit par nous rattraper. C’est Peak Adventure (21). Mais cela ne remotive pas notre Manu.
On roule tout doucement, chacun dans sa bulle, en espérant un miracle.
Avec une nouvelle discussion on finit par arracher un peu plus de volonté à notre coéquipier et on reprend une progression un peu plus rapide avec l’espoir de limiter les dégâts de cette nuit ténébreuse et d’en finir.
J’ai du mal à me remettre dans la carte. Je n’évalue plus la vitesse avec laquelle on progresse et j’ai l’impression d’en faire plus que nécessaire sur la carte.
Les événements ont entamé notre motivation. Le manque de sommeil et la morosité nous enveloppent. Je fais une boulette de 20minutes juste avant la fin de section.
On se laisse croquer par Rady’s, nos amis de Suisse, impuissants. Jan est survolté, le contraste est frappant.
On boucle enfin cette section vélo, 3 ou 4h après ce que nous avions prévu. Impossible pour Manu de repartir sur les 14kms restants. Il doit dormir.
On veille à son chevet, envisageant le pire. Et s’il ne pouvait pas finir ? est-ce qu’on finit à 3 ? est-ce qu’on va devoir abandonner ?
Après des essais infructueux 30, 60 et 120minutes, on reveille Manu pour lui donner notre état d’esprit.
Il pense être capable d’en finir. Je propose donc, pour couper court à tous les plans, de lui porter l’intégralité de ses affaires et de partir sur le champ, alors que le jour se lève.
Il ne veut pas partir sans sac mais je ne lui laisse pas le choix.
J’oublie la carte sur la berge avant un passage à la nage, on termine en mémo. Manu récupère son sac pour l’arrivée.
On franchit la ligne, la mine soulagée mais l’air déçu.

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Sur le moment, cette longue fin et toutes ces places perdues dans la dernière nuit donne à notre performance un parfum d’inachevé.
Mais avec le recul : quelle aventure !
Et comment imaginer un instant de n’avoir pas réussi à terminer à 4 ?

Le raid est un sport d’équipe. Cette dimension humaine donne tout le relief à l’activité. Elle transforme les voyages en aventure, les périples en tranches de vie.
Comme le profil de nos itinéraires, l’équipe rencontre des hauts et des bas.
Mais ce sont les bas qui sont les expériences les plus riches et enrichissantes ! A nous de grandir.

Ces raids longs sont toujours des expériences incroyables.
L’intensité de ce que l’on y vit n’a pas d’égal.

Bon, et en 2017 on fait quoi ?

REMERCIEMENTS:

Mes 3 coéquipiers de feu ! Fannou, Lio alias Bondi Boy et le légendaire Manu Lang.


Pierre pour son soutien pour cette aventure et pendant tout le voyage. Egalement pour le super travail de reporter qu’il a mené sur le terrain !

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Francis pour ses encouragements, ses belles photos et son aide avant et après la course.
La clinique de Grangettes à Genève pour le soutien à l’équipe et au projet.

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L’association DSN74 (développement sport nature)

dsn74logo

Hoka
hoka-logo
400Team pour les bons moments partagés sur place notamment après la course (Seb, Nico, Romu et Audrey)
Yohan pour le taxi à l’Aéroport et tout le reste
Amandine ma douce pour m’autoriser à vivre ça, loin d’elle et de la maison.

 

BONUS:
Pour plus d’images « inside », je vous conseille la vidéo de nos amis Powerbar Swiss Explorers