Est-ce une blague ? une camera cachée ?
Voilà 2h que nous sommes sur la mer, et les cinq kilomètres qui nous séparaient de l’arrivée ne sont toujours pas bouclés. Voilà depuis la fin de matinée que j’ai pu reprendre un rythme de pagaie correcte. Plusieurs heures que je plante cette double rame aussi profond que mes bras maigres me l’autorisent pour en finir avec cette maudite section. Mais ce parcours ne semble pas vouloir en terminer si vite avec nous quatre.
Le vent de face nous encre littéralement sur place.
Les badauds nudistes de la plage marchent lentement mais nous dépassent sans mal.
Tourner une première fois la tête. Une seconde fois 5 minutes après et voir exactement la même scène. Est-ce que je deviens fou ?
Et si on rejoint la plage ? le vent, si puissant soit-il, ne sera pas capable de nous repousser une fois les pieds à terre…

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© Francis Fréchinet

150h plus tôt.

Ayant épluché tout le carnet d’adresses cet été, on avait presque renoncé à notre participation au Raid in France 2016, 10 jours avant le départ. Rudy était partant pour remplacer Benoit Peyvel, mais personne pour prendre la place de Fanny qui, depuis Avril, avait choisi de ne pas courir pour se consacrer pleinement au championnat du monde en Novembre.
Mais c’est si proche de l’épreuve que l’excitation est à son comble et que Fanny a finalement bien trop envie de faire partie de la fête pour nous laisser à trois sur le banc de touche. Nous voilà donc décidés, une semaine pile avant le départ !
Comme toujours sur ces raids longs, l’avant course est déjà une vraie section en soit.
L’avantage de se décider au dernier moment, c’est que cette phase est réduite à son minimum, on va à l’essentiel.
Autre avantage cette année : on a tous plusieurs raids longs dans le sac à dos : place aux automatismes.

préparation des bonhommes et du matériel

préparation des bonhommes et du matériel

Les vérifications matériel sont vites avalées. Un grand merci à Cédric & Isabelle qui nous ont hébergés et soutenus la veille et la journée du départ.

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Juste le temps d’une mini sieste et nous voilà sur la ligne de départ. Je n’ai pas peur mais je devrais certainement. Je m’apprête à tripler mon volume estival rien que sur la première section. Organisation du Championnat de France, stage de permaculture de 2 semaines enchainés par notre mariage. Un été bien loin d’avoir été studieux.
Heureusement, j’ai naturellement un peu d’aisance à pied, ce qui devrait me permettre de boucler la première journée correctement. Pour la suite…

c'est noël

Crazy !

On laisse le soin à Rudy d’orienter sur les prologues (IOF), il n’y a qu’une seule carte.
Difficile de ne pas s’emballer, adrénaline faisant. Le ton est léger et on rigole des autres équipes moins expérimentées qui semblent jouer leur vie sur ce prologue de 30 min.

On récupère les cartes au cinquante millième dans le bon paquet. Nous voilà réellement partis.
On se laisse embarquer par le rythme des équipes et on prend une bonne dizaine de minutes pour se mettre dans la carte.
Les balises s’enchainent doucement. Le plus souvent on progresse hors sentier. On lâche petit à petit plusieurs équipes qui semblaient attirées par nos frontales comme les papillons de cette nuit étoilée.
Rencontre magique avec un grand cerf dans la première descente sauvage. Désolé pour le dérangement copain.
C’est l’ascension au Pic Carlit qui nous permet de prendre définitivement notre envol, à la poursuite de quelques frontales, peut-être 15 minutes en amont.
Avant le lever du jour on rejoint Arverne et Issy Absolu. Même à 3 équipes on a du mal à suivre le GR balisé. Un peu de déniv en rab ça et là.
Les premiers rayons de lumière lèchent les sommets alors qu’on attaque la descente dans la vallée de Orlu.

le jour se lève

le jour se lève

On s’étonne tous les 4 de la technicité des GR du coin ! (ici c’est le GR 7)
Occasion ratée de s’acheter un coca au refuge d’en Beys, on rejoint le CP5 en 4ème position. Devant caracolent Seagate, 400Team et Cap Opale.
On est fidèles à notre stratégie, finir rapidement cette section pour se reposer (Dark Zone, départ vers le raft uniquement à partir de 5h30) mais sans en faire des tonnes non plus, vu que tout est remis à plat demain matin (départs dans l’ordre d’arrivée, espacés de seulement 5min).
A ce titre, on a du mal à comprendre nos copains de Cap Opale, quelle est leur stratégie ?
Belle montée, encore à la fraiche sous le Roc Blanc.
Sylvain est là pour le film de la course.

le soleil nous retrouve dans la montée

le soleil nous retrouve dans la montée

Au col sans nom, on sort les parts de pizza qu’on avait emballées, reste du repas de la veille. La pause fait du bien.

Point carto pizza

Point carto-pizza

Plutôt que la crête proposée dans le road book, on fait le choix par le bas. Payant ou non, c’est plus sûr.
On tente le troc d’une aide musclée contre une boisson fraiche à une famille qui pique nique, mais ils n’ont rien à nous offrir. On les aidera quand même avec un gros cabas encombrant.

Pour rejoindre CP6 on a choisi l’itinéraire du bas, par l’EST.

 

Contrôle complet du matériel à CP6.

CP6

CP6

On enchaine sous la chaleur maintenant bien présente.
C’est un abreuvoir à chevaux qui nous sauve de la panne sèche juste avant B2.
La suite est dure pour le moral. Dans les pattes déjà plusieurs heures de marche, et de longues pistes monotones à avaler sous la chaleur. Rudy explique que c’est la section « mental ».
Issy Absolu nous rattrapent au village de Bessède-de-Sault où nous espérions trouver un commerce. Chance, c’est le grand cœur d’une habitante qui nous sert d’auberge : et deux coca frais sortis de son frigo s’offrent à nos gosiers brûlants.
Mauvais choix pour la suivante, on se retrouve à faire une coupe hasardeuse dans les buis, le chemin pointillé ayant disparu.
La bonne étoile veille sur nous, on ne perd pas trop de temps, tout juste un peu d’énergie et on retrouve notre itinéraire.
Une dernière pause dans un petit village pour le plein d’eau avant la nuit.
La descente sur le CP7 salvateur semble compliquée. Rudy et moi choisissons en commun un itinéraire sûr. Mais, fatigue faisant, on descend un peu trop tôt et on s’embarque dans le mauvais vallon.
Heureusement, la faible pente m’alerte et on se recale à deux. Une bien belle boulette qui aurait pu nous coûter très très cher.
On remonte, à la lutte avec tout ce qui pique : les ronces, les épines, les insectes nocturnes qui nous sautent au visage et nos démons de cette deuxième nuit.
Rudy, reboosté par cette fausse route, s’agace et débusque le sentier qui nous mène au CP final.

Approche de CP7

Ouf, objectif atteint, on est 4ème (Issy est passé devant, mais Cap Opale ne sont pas encore là). Une bonne nuit de repos nous attend.
Ptit Ben a déjà beaucoup souffert des pieds, surtout sur la fin et sa mine n’est pas très enthousiasmante. Aller, on sert les dents. Un gros morceau de vélo où ça va aller, on soignera les bobos plus loin.

Quand le réveil sonne, on s’active rapidement. On a validé 5h de sommeil, et même dormi presque 6.
L’approche de la transition raft n’est pas aussi simple qu’il n’y parait. Mais nous avions un peu de marge pour se permettre une petite bartasse.

© Honza Zak / SleepMonsters

© Honza Zak / SleepMonsters

On profite des minutes qu’il nous reste avant le départ pour tracer le vélo suivant.
Issy en retard doit nous laisser sa place de 3ème.
A peine engagés on est dans le bain, les premiers rapides sont costauds.
On profite d’un lâcher EDF, le niveau est plus que correct. On suit à la lettre les conseils avisés de Rudy tout le long. Il nous invite à ramer sans relâche, surtout dans les rapides. Lui comme nous y passons beaucoup d’énergie.
La rivière est moins difficile que le Guil de 2012, mais il y a quelques pièges. On se coince 2 fois.
Globalement on s’en tire vraiment bien tout en prenant du plaisir. Mais impossible de se reposer.

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© Honza Zak / SleepMonsters

Il fait déjà chaud.
A la transition on retrouve Seagate et 400Team. On remonte nos vélos et nous faisons le plein d’eau et de nourriture.
On commence cette première grosse section VTT par une belle et longue rampe. Je ferme la marche du quatuor en essayant surtout de ne pas décrocher ! Je me retrouve vite dans le rouge et souffre alors de la chaleur. La pente est raide et je tire trop gros. On passe le sommet et j’ai déjà vidé 2L de flotte.
Heureusement un petit ruisseau de la montée suivante me permet de refaire le plein.

© Honza Zak / SleepMonsters

© Honza Zak / SleepMonsters

On découvre avec émerveillement le château de Puilaurens.
Une deuxième montée s’annonce. toujours cette chaleur. Je m’accroche à Rudy. Une nouvelle fois le plein d’eau chez un habitant.
Après le col de Frayche, pause coca et St Yorre (Bouteilles que l’on porte sur nous). Je dilue un sachet de réhydratation dans un bidon. Je préfère prévenir.
La suite est plus ombragée, ça va mieux. Le col de l’Hommenadel passe bien. Derrière on a fait le choix par le haut. Mais le portage est simplement monstrueux, alors que le chemin plein nord pour rejoindre la piste en face est inexistant.
Je maudis les cartes une fois au niveau du second choix, voyant la qualité du pointillé. Mais comment le deviner ?

Jeu : trace ton choix d’iti sur la 50000ième puis vérifie sur la top 25 si c’était le bon choix !

Après la vallée de Counozouls, on attaque le dernier gros morceau de ce vtt. L’orientation est plus difficile qu’il n’y parait, beaucoup de chemins ont changés. On s’égare un peu et je propose à Rudy un nouvel itinéraire qui réduit notre erreur à quelques minutes et nous évite donc un demi tour long. L’option est correcte mais le dénivelé toujours brutal.
On accuse le coup avant la bascule et le rythme devenu trop lent nous impose une petite pause à l’ombre.
Au CP10 suivant, mauvais choix d’approche. On fait demi tour avant de « bartasser » de trop. On retrouve les photographes de sleepmonster, le photographe officiel et pas mal de monde. ça rebooste.

© Honza Zak / SleepMonsters

© Honza Zak / SleepMonsters

On repart sous un soleil moins chaud sur la dernière carte du jour. Un peu avant le refuge du Coll del Torn, dans une descente, mon dérailleur avant fait des siennes. Je bricole à la prochaine pause où Fanny essaie elle de manger. Pour elle ça commence à se compliquer, Rudy s’en occupe.
Le dérailleur me reste dans les mains et je ne traine pas à l’enlever complétement, en utilisant le maillon rapide de ma chaine car il n’est pas démontable. Cette petite pause forcée nous fait du bien et on repart avec l’idée de ne plus s’arrêter avant le CP11.
Au CP, encore plein de monde, dont Francis, le papa de Fanny, ce qui lui fait très plaisir. Le refuge du Coll de la Llosa est ouvert et propose des boissons et des pâtes chaudes aux coureurs ! On hésite pas deux fois.
Ce repas chaud est une vraie aubaine et l’accueil tout aussi chaleureux.
Les 4 Issy Absolu, que l’on avait pas encore vus de la journée, arrivent alors qu’on a terminé de se restaurer.
On repart sur nos montures, tous regonflés, portés par les couleurs du coucher de soleil incroyables..

Le gérant du refuge nous accompagne quelques centaines de mètres avec son vélo électrique qu’on envie.
On termine la section par un très beau single en crête suivi d’une descente technique en deux parties. Entre ses deux zones, sur une piste où l’allure est vive, je tape la pédale dans le talus et me retrouve aussi sec allongé sur le dos le vélo sur la tête.
Grosse frayeur pour moi et mes coéquipiers. Rien de cassé, ni le bonhomme ni la monture. Rudy nous invite tous a plus de prudence et il a bien raison, qui va piano va sano.
Encore une grosse poignée de virages en épingle sur un vieux chemin plein de charme et nous voilà à la transition.

On envoie notre Ptit Ben chez le médecin pour faire soigner ses pieds.
L’opération est un peu longue mais indispensable.
On enchaine dès que possible sur le trek des Gorges de la Carança.

Carte 5 complète

Carte 5 complète

Le chemin est technique et nous tient bien en éveil. Après avoir pointé B10, le sentier rejoint le cours du torrent et empreinte de nombreuses passerelles improbables pour passer d’un côté à l’autre des gorges. De nuit cette randonnée a du charme, mais on regrette tout de même de ne pas pouvoir profiter de la lumière du jour.
La fin du sentier est moins ludique mais d’une pente soutenue. La bataille mentale contre le sommeil et la fatigue commence. Je regarde trop souvent l’altimètre pour que les chiffres y soient rassurants.
La silhouette éclairée du Refuge se dessine finalement, tout comme notre pause qui y est prévue.
On retrouve 400Team et Seagate, qui terminent respectivement 2 et 3h de sommeil.
Pour nous c’est prévu 3.
On s’installe dans la salle commune, sur des petits matelas mousse trouvés là.
Fanny a du mal à manger, elle reconnait ces soucis des (mauvaises) expériences passées. Mais elle se gère. Les compotes passent. Je m’endors l’esprit soucieux.
Je me réveille un peu avant la montre comme les copains.
Nous voilà à nouveau en marche, toujours de nuit, à suivre un sentier peu marqué en fond de vallée, direction les cimes.
Le jour se lève doucement. Avec lui on distingue le paysage qui nous entoure. Les beaux lacs, les crêtes et sommets alentour.
Le rythme de progression augmente avec la lumière, nos corps semblent se réveiller. Fanny a l’air mieux aussi.
On enfile nos gore-tex un peu avant la crête sous les regards indifférents d’un couple de gypaètes barbus.
Le vent est fort sur les sommets mais contribue à l’ambiance du lieu. On est heureux tous les quatre.
Notre aventure prend tout son sens, ici, sur la frontière Espagnole, frappée de 50 noeuds de vent.
Un troupeau d’isards des Pyrénées semble avoir trouvé dans ces vertes pelouses un jardin d’Eden. Jardin que l’on traverse le pas pressé mais l’œil brillant.


On quitte les sommets et le froid pour regagner une belle vallée et déjà la chaleur.

Cap Opale nous a rejoint au sommet de la dernière bosse, avant B12. Ils ne sont plus que 3 en course.
On sert les dents dans la longue descente, raide et sous la chaleur.
On profite du village de Fontpédrouse pour faire le plein : un croissant à la béchamel, une tarte à l’oignon et un coca bien frais.
Il fallait bien ça pour trouver l’énergie d’en finir avec ce trek et l’interminable chemin « en balcon » qui nous ramène aux vélos.
La rivière coule proche de l’AT est c’est le meilleur moyen de faire descendre notre température.

© Honza Zak / SleepMonsters

© Honza Zak / SleepMonsters

On effectue maintenant une liaison en temps neutralisé (2h30). C’est la section que l’on a choisi pour crever (un beau clou dans le pneu avant de Fanny). La liaison est dangereuse (route nationale) mais vite avalée.
Arrivés à Ria, ils nous reste 40 minutes pour nous reposer. On en profite pour tracer les VTTs suivant avec Rudy.

On attaque la section par une terrible montée en plein soleil vers le hameau de Llugols. Au delà, ça roule un peu mieux et on bascule dans une nouvelle vallée. Plein d’eau au CP, quelques mûres piochées sur le chemin.
On marque la pause dans le beau village de Mosset. Francis et Sylvain sont là pour immortaliser les emplettes que l’on fait dans la supérette du coin. Le gérant enthousiaste nous offre une bière pour la récup que Francis récupère.
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Deux ouvriers un peu éméchés par l’apéro nous regarde nous empiffrer des yaourts, un avocat et du jambon.
Ils nous renseignent sur la suite du chemin.
On effectue une belle et longue montée au dessus du village. De nombreux lacets puis un cheminement magique parmi les blocs de granit. On dirait la Corse ou la Bretagne.
Il fait nuit maintenant. La suite est roulante mais il est difficile de lire le relief, et les montées de 5 minutes passent inaperçues sur nos cartes. On bascule finalement définitivement en descente un peu avant le CP17.
La descente se poursuit plus loin dans les Gorges de St Jaume. Étroit sentier, passerelles, bord de falaise… sacrée ambiance de nuit. Fanny nous rappelle qu’elle n’aime pas savoir le vide si proche, mais file sans broncher.
Passage piquant et humide dans le lit de la Boulzane pour passer sous la D117. Ca ne dure pas.
La dernière balise de ce VTT s’amuse avec nos nerfs. Mauvaise carto, petit cairn bien caché et sente improbable. Ya pas un doute, on est bien au Raid In France.
La fatigue se fait sentir au delà du poste.
On arrive épuisés à la transition où on se couche rapidement 3h à nouveau.

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Sortie étroite

Bip bip, bip bip.
On a tous dormis comme des pierres.
On enfile la combinaison néoprène mouillée et froide sans savoir à quelle sauce on va être mangés. La guide nous explique que le canyon est à quelques mètres de là, qu’on a pas besoin de matos de corde car c’est une remontée facile.
On arrive en effet rapidement dans le lit de la rivière qu’on remonte tranquillement. Très vite on doit nager. L’eau est froide, mais s’y plonger en combinaison et avec une frontale vissée sur le casque a un côté excitant et magique. On profite de ces instants hors du temps avec le sourire.
Une sente verticale nous amène au CP départ de la spéléo. Deux gentils bénévoles nous accueillent dans la nuit encore sombre.
La caverne est ludique et exiguë. On commence par un double rappel. En bas on poursuit par un passage très étroit où mes 1m87 me mettent en difficulté. Fanny en profite pour se moquer de moi et m’annonce qu’elle passe à quatre pattes sans mal. La balade se termine par une toute petite chatière. Dehors il fait jour maintenant, et Francis est là pour nous accueillir.

On découvre les gorges qui nous enrobent (Gorges de Galamus). On s’en échappe en traversant l’Ermitage Saint Antoine. Quelle chance d’être là.
Le moral est au top ce matin. Tout le monde va bien. Fanny va mieux me réclame l’appareil photo, elle veut ramener des souvenirs. On dérange quelques mouflons dans leur petit déj. Rendez vous pris avec le soleil au sommet. J’ai bien mangé au réveil, j’ai plus d’énergie et profite de ces moments.

Au CP suivant, on largue les combinaisons. Un peu embrumé je perds ma carte. Tant pis, je laisse Rudy avec la sienne et embarque en mode coéquipier.
Le ton est toujours léger. On jardine un peu pour trouver la suivante puis les sentes de chasseurs qui doivent nous permettre de traverser le « pla de Sagnes ».
Ptit Ben flaire les passages avec talent, on l’appellera « la truffe » le reste du raid.
Le parcours est superbe. L’approche de l’atelier corde et du château de Peyrepertuse nous laisse rêveur.

Une très belle tyrolienne est installée du haut de la falaise jusqu’au château. A l’assaut !
Le guide envoie Fanny un peu fort et elle manque de transformer celui qui la réceptionne en pancake.
J’avise mon lanceur d’y aller molo à la vue de mes 80kg. J’aurais mieux fait de ne rien dire car, une fois lancé, je n’arrive pas au bout et redescends au 2/3 du parcours. Heureusement que j’arrive à attraper, de justesse, le cable pour remonter. Une belle suée dont je me serais bien passé.
On file à Rouffiac pour la transition suivante.

Le vélo à venir est prévu en 2h, ce qui fait de cette nouvelle section l’une des plus courte de l’épreuve. J’ai fait l’économie du porte carte et découvre le raid en mode coéquipier. Il fait chaud et le GR36 nous propose une belle bavante. Heureusement il ya un peu d’air. La section passe vite.

vélo

Au départ de la section (Francis)

A la transition il n’y a pas d’eau. On nous explique qu’il y en aura pas de toute la section.
On profite donc des caisses vélo pour se ravitailler : toujours Coca et St Yorre.
On descend un super ruisseau sec.
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Au bout de 40 minutes, j’ai le contre coup de la grande quantité de coca bu à la transition. J’ai mal au ventre et suis en manque de sucre. J’arrive à manger quelques noisettes au chocolat (bio !), ça passe.
Nous voilà au Château de Termes. Une petite bavante pour y monter, un peu de piquant pour en sortir et rejoindre le haut de l’atelier corde.

Astuce de l'orga pour ne pas se faire voler les balises.

Astuce de l’orga pour ne pas se faire voler les balises.

Je passe en dernier et manque la sortie à flanc de falaise après le dernier rappel. Heureusement Ptit Ben m’attend et revient me sortir des buis !
On échoue dans le fond du canyon, matos de corde rangé. Il y a peu d’eau au départ mais rapidement les vasques sont de plus en plus pleines.
On comprend rapidement qu’il n’y a pas d’échappatoire. Il faut y aller, sauter entier dans l’eau froide. Rudy nous montre la voie.
Ce canyon est superbe. Mais avec la fatigue et sans combinaison, il faut se faire violence.
Nos corps sont lavés et refroidis, mais l’esprit reste engourdi.

La transition suivante est longue et fastidieuse. Je la quitte avec un pneu avant à plat et une roue arrière mal serrée sans avoir eu le temps de manger. Je ne suis plus lucide.
Je me laisse glisser en queue de peloton et me referme d’avantage sur moi.
Je n’ai pas chaud, même avec mon haut thermo. J’ai des frissons parfois. Je me force à manger pour garder de l’énergie.
Je fais le plein d’eau à Villemagne. Courage il ne reste que deux montées.
La dernière balise en forêt est compliquée (B27). Un sentier très marqué non carté nous fait perdre le nord. Nuit et fatigue aidant, difficile de prendre les bonnes décisions.
On perd beaucoup de temps. Un peu de méthode et la balise sort de son talweg. ouf.
C’est jamais gagné.

Voir sur la photo la grosse piste bien marquée qui n’est pas cartographiée et la piste à flan cartographié mais perdue dans la végétation.

Rudy et moi essayons de convaincre les deux autres de prendre 2h de pause, transition comprise. Les deux loulous, compétiteurs dans l’âme, préféreraient minimiser et ne prendre que 1h30 maximum.
On y tient tous à cette 3ème place, mais sans sommeil les 70km restants en canoë risquent d’être compliqués.
Arrivés à 1h du matin, on décide d’être sur l’eau à 3h.

3h04 environ, nous voilà sur l’eau. On la redoutait tous cette longue section. prévue en 13h, c’est énorme.
Les premières heures se passent bien. CP29, CP30,… La rivière Aude n’est pas très dynamique mais il faut quand même la lire. Ca nous occupe.
On tire le bateau quelques fois.
Vers la fin de la nuit, je n’arrive plus à tenir le rythme de départ. Je m’endors. Je propose à Ptit Ben de passer devant, que je puisse souffler un peu. Le jour se lève peu après. J’effectue quelques micro sommeils, en espérant que le rythme de pagaie n’en pâtisse pas trop. Le soleil arrive à son tour alors que nous n’avons pas encore sorti les lunettes de soleil. Malgré nos casquettes, le bougre nous fusille la rétine en se réfléchissant à la surface de l’eau. Je commence à avoir mal à la tête. C’est encore plus dur après CP32 où la rivière est plus calme. C’est de plus en plus dur pour moi.


L’énergie m’a quitté et je finis par demander à ce qu’on s’attache, le temps que j’avale quelque chose avec mes deux mains. je suis au fond du seau. Epuisé.
Ptit ben est au top à l’arrière, il suit sur la carte et compense mes défaillances.
Le fluide finit par revenir dans la grande tirée vers le pont de l’autoroute, en fin de matinée.
Au délà du pont je propose de repasser derrière. Ptit Ben qui a assuré depuis le lever du jour, semble fatigué à son tour. Heureusement qu’on a pu se compléter.
Le CP33 arrive enfin. Il ne reste que 8 kilomètres, dont 5 de mer. C’est presque gagné !
Il ne peut plus rien nous arriver d'affeu maintenant

Est-ce une blague ? une camera cachée ?
Voilà 2h que nous sommes sur la mer, et les cinq kilomètres qui nous séparaient de l’arrivée ne sont toujours pas bouclés. Voilà depuis la fin de matinée que j’ai pu reprendre un rythme de pagaie correcte. Plusieurs heures que je plante cette double rame aussi profond que mes bras maigres me l’autorisent pour en finir avec cette maudite section. Mais ce parcours ne semble pas vouloir en terminer si vite avec nous quatre.
Le vent de face nous encre littéralement sur place.
Les badauds nudistes de la plage marchent lentement mais nous dépassent sans mal.
Tourner une première fois la tête. Une seconde fois 5 minutes après et voir exactement la même scène. Est-ce que je deviens fou ?
Et si on rejoint la plage ? le vent, si puissant soit-il, ne sera pas capable de nous repousser une fois les pieds à terre…

Sur la plage on avance.
On avance, mais vraiment, c’est lent.
Pour Rudy et Fanny, c’est une question d’honneur: si le vent nous laisse un chouïa de répit ça doit le faire à la rame.
On remonte dans les canots. Dans le notre c’est soupe à la grimace. Pas un pour rattraper l’autre, on est à bout. Il faut tout donner, chaque instant comme s’il restait dix mètres, cinq mètres.
La rage d’en terminer, 110h après notre départ de Font-Romeu, nous donne les dernières forces. Le passage sur la plage nous a soulagés.
On s’excite on s’énerve mais on avance. On devine maintenant clairement la plage.
Arrivés sur le sable, il ne reste qu’une balise à pointer en haut de la dune et les bateaux à tirer, mais ça c’est de la rigolade.

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C’est difficile de réaliser tout de suite, que c’est bien la ligne, qu’on a bien fini par la franchir, la maudite.
Réaliser tout ce qu’on a parcouru pour en arriver là. Et réaliser que c’est un aboutissement mais aussi une fin.
La place est au repos.
Passer au delà de la douleur et de la fatigue pour laisser place à la joie, celle d’avoir mené le radeau « équipe » au bout de son voyage, et ces 4 naufragés joyeux et satisfaits.
Tous ces moments, durs et forts, partagés.
On a toujours beaucoup à apprendre de ces expériences aux émotions exacerbées.
Merci à vous trois, mes amis d’aventure, Fanny, Ptit Ben et Rudy. Je suis très fier de chacun de vous, comme je suis fier de notre association réussie.

On a tous les quatre énormément de plaisir à retrouver la famille RIF, tous portés par la passion. La passion de l’aventure et des territoires pour Pascal le grand chef et traçeur. La passion du partage et du don de soi pour l’ensemble des bénévoles qui l’accompagne, sans qui rien ne serait possible.

Arf, qu’il est difficile d’atterrir sur terre après un tel voyage.
On va tacher de bien préparer le prochain rendez-vous !

Il a pas un peu de gueule ce podium ?

Il a pas un peu de gueule ce podium ?

A bientôt et comme dirait mon Ptit Ben : « Vive le raid ! ».