Le raid INP.

Cette épreuve qui, en 2007, lors de ma première participation, m’a mordu à vif…
Depuis j’ai chopé ce virus indomptable, celui de l’aventure multisport par équipe. Celui de toutes les émotions, des joies comme des pleurs, des sourires comme des grimaces.
Des tranches de vie tout en intensité, violence et passion.
Depuis il y en a eu des épreuves et leurs lots d’aventures. Mais le raid INP gardera toujours une saveur particulière:
La saveur d’une première fois, celle des origines d’une passion dévorante.
Un raid à 5. Cinq unis comme les doigts d’une seule main. Unis dans l’effort, le dépassement de soi et l’aventure. Mais surtout unis dans l’amitié et la joie du partage.

Mes pensées à Hélène et Tom quand j’écris ces lignes, coéquipiers des premières fois, que j’aimerais bien retrouver.
Et une grosse pensée aussi pour Jojo, qui cette année me laisse sa place pour le boulot.

Cher lecteur, cher lectrice, voici un nouveau volet des incroyables aventures d’une bande de copains.

Comme chaque année, le départ est donné d’un lieu surprise que l’on rejoint en bus le vendredi soir.
Cette année c’est la commune de St-Laurent-en-Beaumont dans le parc des Ecrins qui accueille les 150 coureurs et toute la smala qui va avec (70 bénévoles et 30 organisateurs).
La tente est montée sur le terrain de foot communal, dressée maladroitement parmi les dizaines d’autres tentes environnantes.
Confusion sur les horaires, on loupe le brief capitaine. Heureusement je récupère la carte et les infos auprès des équipes plus concentrées.
Pendant la nuit, les orages grondent et la pluie violente notre abri de toile et de fibre. Ambiance.

Le reveil sonne à 5h. La motivation restera sous la couette encore un moment.
h-2, c’est juste assez de temps pour:
Petit Déj, s’habiller, se demander ce qu’on fout là, ranger les affaires, préparer son sac de course, plier la tente, poser le matos vélo au niveau des vélos et aller faire quelques pas pour se dégourdir les jambes et réveiller en douceur miss motivation (restée sous la couettes 3 lignes plus haut).

frai matin

frai matin

Au départ, la pression monte un peu malgré la bonne ambiance ambiante. A ce moment j’aimerais bien faire partie d’une équipe ordinaire, avec un nom passe partout comme « salade verte » et ne pas avoir alors à porter le poids des épaulettes de leader.

départ Samedi

départ Samedi © Nicnic38 (coureur-de-montagnes.over-blog.com)

On commence par une « petite » boucle trail en suivi d’itinéraire facile.
On est pas dans l’équipe « salade verte », on est des Chauds Patates! La meute est lâchée.

Banzaï!

Banzaï!

Je prends les devants du cortège et impose, sans le vouloir, un rythme soutenu.
Après un début descendant, le retour grimpant nous donne un peu d’avantage.

Beau sentier pour commencer

Beau sentier pour commencer

On rejoint nos vélos en moins de 30 minutes. Salomé encaisse silencieusement un départ un peu en sur régime collée à l’élastique.
L’itinéraire est évident et ne présente aucune subtilité. Ce sera le cas pendant tout le week-end.
On commence par l’ascension du Signal St Michel (500d+). On se relaie au tire minette avec Oli.

Au sommet, nous sommes toujours en tête, les Speedraideurs sont juste derrière. Non loin, d’autres équipes: le niveau physique est au rendez-vous encore cette année.

vue sur l'Obiou

vue sur l’Obiou

Ayant hâte de basculer dans la descente, je précipite un peu mes choix d’itinéraires. J’offre à mes coéquipiers un premier détour et quelques mètres de dénivelé supplémentaire (20-30m).
On ne perd pas notre place en tête, mais un peu de l’avance engrangée dans la première grosse montée.
Après le col et le ravito où l’on ne pose qu’un bref regard, on enchaîne sur une descente très grasse et parfois raide. Pas évident de rester sur le vélo sans prendre des risques. Salom s’offre d’ailleurs une première gamelle.
En bas on essaie de se re-mobiliser. Devant on a toujours tendance à être un peu mous.
Alors qu’on retrouve un rythme correct, dans un sentier technique, Salomé heurte son vélo contre une grosse pierre et sa patte de dérailleur casse net.
Il reste alors 6 ou 7 km de section vélo avant le prochain changement, et, si la politique est la même que l’an dernier, c’est pas gagné qu’on puisse changer de monture.
On décide donc de tenter le montage pignon fixe (qu’il va falloir apprendre à faire correctement).
Après quelques minutes seulement, les premières équipes nous dépassent: Les bouchers, DSA – Orient’Alp et les Speed raideurs. Nous voilà donc 4ème, toujours une chaine entre les mains et un vélo en rade.
Dans la précipitation je remonte un peu à la va vite et je sais que le montage n’est pas ce qu’il y a de plus solide. Croisons les doigts.
On repart rapidement toujours en 4ème position. Salomé  nous fait une belle frayeur en tombant au fond d’un gouffre. Rien de grave.
On rattrape les Speedraideurs qui ont exactement la même galère que nous: patte de dérailleur kaputt.
Après ce chemin technique, sur un bout de route, il ne faut pas plus d’un tour de pédale pour que la chaîne rompt et tombe au sol.
Oli à bloc repart en courant: il faut rejoindre au mieux et au plus vite le prochain point en espérant y trouver assistance.
On finit donc, Oli tantôt en trottinette, tantôt en mode musher avec ses deux fidèles chiens de traîneau Max et moi.
Une fois le ravito/transition ralié, les gars de Cyclotrott nous rassurent : ils vont pouvoir réparer.

Nous repartons donc regonflés (et nourris au passage) sur le trail qui s’annonce trapu.
On se rend compte assez vite avec Max que l’on connait bien l’itinéraire. On est venu s’y entraîner l’automne dernier.
Je pointe le DSA à 8 minutes et les Bouchers à 4, à un moment où on a un peu de vue sur la suite du sentier.
La montée est raide mais le rythme bon. Paysage au top, le moral va un peu mieux. Max tracte la championne et j’aide Batou.

Section trail sur le Touret

Section trail sur le Touret

Au point culminant, il faut chercher la balise en aller/retour. On en profite pour ré-évaluer les écarts: DSA à presque 9 minutes, Les Bouchers à moins de 2 minutes. Derrière, les Raideurs du matin nous talonnent.

"regarde quand même la vue Salom"

« regarde quand même la vue Salom »

On revient rapidement sur les Bouchers dans la longue descente qui suit.

Fin de la longue descente.

Fin de la longue descente. © Sylvain Clot

En bas, une fois dans la vallée, la section n’est pas terminée. Il faut maintenant rejoindre les vélos qui sont à 1,5km en amont.
J’accroche Salomé. Il ne faut pas lâcher, c’est dans ce genre de portion que les minutes se gagnent ou se perdent. Le chemin monte légèrement et ce kilomètre prend rapidement des allures de marathon. Salomé et moi serrons les dents en silence pour suivre le bon rythme. Notre championne fait preuve d’un grand courage.
Heureusement pour tous, nous voilà finalement à la « pause midi », 15 minutes banalisés pour se restaurer.
Les DSA sont à 6 minutes devant, Les Bouchers à 2 minutes derrière.

Après la pause, il faut rejoindre le col d’Ornon à VTT. Le sentier est roulant, mais la pente trompeuse: on est collés. Difficile de retrouver la niak qu’il nous manque pour mettre du rythme. L’itinéraire à suivre, en bleu sur la carte, ne laisse pas la possibilité de lire ce sur quoi il a été tracé. Je loupe un droite gauche rapide et nous empruntons un chemin parallèle peu praticable. A la sortie, nos poursuivants sont à quelques mètres, nous avons donc perdu au moins 2 minutes.

On arrive à la CO toujours en 2ème position. Nous avons décidé, dans la montée précédente, qu’Olivier se chargerait de cette section.
La consigne est de prendre les balises en ordre inversé. Donc de commencer par la 23. (??).
A la mode CO, on commence donc par un beau « papillon ». 23 – 22, … la 21 est pas sur la carte. « Ouais ils ont dit qu’ y avait pas de 21 » glisse Batou.
20, 19 puis 18 = 9. hein? 18 = 9? merde y a aussi 21 = 9! Arg!
Faut tout refaire (ou presque).
On reprend donc, 21=9, 20, 19, 18=9,… à partir de la 9=9 on repart sur une boucle plus grande.
Oli vole un peu sur la 8 (distortion de la carte??). On se récale tous ensemble mais notre orienteur vole à nouveau deux balises plus loin, à la 6.
De 6 à 5, on prend la route, car « en aucun cas il ne faut traverser ou longer la route, sauf entre la 6 et la 5 ». C’est définitivement une section étrange…
On finit bien, avec quand même un peu les boules d’avoir perdu vraiment bêtement du temps au début.

L’équipe s’élance donc dans la dernière section VTT, direction Bourg-d’Oisans et la boucle optionnelle. Au départ de cette dernière, on est toujours pointés 2ème, mais à 15minutes. (6 minutes après la pause midi, 3 minutes à VTT?, 6 minutes sur la CO).
Montée costaud qui s’enchaine bien, suivie d’une descente magnifique.
Malheureusement notre championne est à bout de force. Elle perd l’équilibre plus facilement et chute à plusieurs reprises. Elle n’a plus trop le moral ni confiance en elle. Impossible de laisser s’exprimer ses qualités de descendeuse.
On finit donc, tant bien que mal la section, terminant à 14 minutes du DSA.
L’ultime épreuve de la journée est un jeu d’adresse: du tir à l’arc.
Il est possible de gagner jusqu’à 30′ de bonus sur cette épreuve.
Il faudra 5 bonnes minutes aux orgas pour stabiliser les cibles mal menées par le vent. Avec les rafales, pas facile de faire du beau travail.
Pas de flèche d’essai et un score de 74 qui nous place 20ème, à 17 minutes du DSA! outch.

Montage de tente, douche, massage (« de la victoire » dixit le kiné), chilling, pâtes carbo pas trop mal, chilling, réunion chef d’équipe et dodo (sous la pluie, encore).

Tous un peu déçus de notre course de la veille, nous sommes pleins de niak dimanche matin pour la journée qui s’annonce. Motivés à se donner à fond.
La journée commence par 3 km à réaliser en maximum 30 minutes. Ils sont là pour nous faire rallier l’embarquement canoë, première épreuve du jour 2.
Comme le départ se fait en chasse, nous arrivons avant derniers au niveau de la transition. Il n’y a plus que des combinaisons en 1 (la plus petite taille) et plus de casque…
Après quelques bafouilles, et un départ décalé de 3 minutes, nous sommes prêts à en découdre, casques de vélo sur la tête, sans combinaison.
La Romanche est pleine, la navigation facile.
Batou fait route avec Salomé. Oli, à l’aise en kayak, est monté seul alors que Max et moi partageons la 3ème embarcation. Nos 3 bateaux avancent à bonne allure au fil des flots sombres.
Le responsable de l’activité nous avait promis 35 minutes de navigation, il nous en faudra presque 55 pour rejoindre Rochetaillée. On signe quand même le 2 ème temps pour 8 secondes.
A l’arrivée, 5 minutes sont neutralisées pour ôter les combinaisons. Nous ne trainons pas.
La suite est une section trail hyper roulante. La pauvre Salomé est accrochée dès les premiers pas.
On rattrape beaucoup d’équipes, ça défile. La plupart de nos concurrents directs sont derrière.
Notre héroïne est en forme, l’allure est plus que bonne.
Les 6 km annoncés me paraissent tout de même longs. Le sentier est ludique : technique, avec un ou deux passages de main courante agréables.
On rejoint finalement les Speedraideurs et 3 de nos 5 vélos pour la section suivante. On est 2ème du jour.

Le bike & run c’est mon truc. J’aime courir vite, et je sais le faire. Batou m’accroche avec son tire minette et m’entraine avec lui sur les pistes roulantes ou l’on frôle les 20 à l’heure. Max fait des relais tout aussi rapides avec Oli alors que Salomé se prépare tranquillement pour la prochaine section. Le vitesse est vraiment excellente.
A la fin de section, on rattrape la dernière équipe qui nous résistait encore: « les raideurs du matin ».

Dans nos esprits, la portion à venir est le juge de paix de la journée. 1100m de dénivelé vertical sur à peine 3km de long.

Sympa comme iti non?

Sympa comme iti non?

 

Les deux dernières sections ont été éprouvantes, je suis content que Max soit au top et puisse aider Salomé. Je supporte tout juste le rythme imposé par Batou en forme: 1000m/h.
Il nous faut donc 1h04 pour terminer l’ascension. On arrive au sommet tous un peu entamés.
Heureusement on a 10 minutes hors chrono pour réaliser une photo drôle et tenter de gagner 10 minutes au temps final. Notre super idée n’a visiblement pas fait l’unanimité. 🙁
Oli qui a piqué un peu de café à l’orga est refait.
Après traçage de l’itinéraire avec Bat, je récupère la carte et entraine l’équipe sur les terres connues de l’Arselle.

Plateau de l'Arselle

Plateau de l’Arselle © http://www.flickr.com/photos/sarvadon/

La neige ralentit parfois notre progression, mais aucun poste n’est jardiné. Nous terminons, toujours en tête, la section au niveau du Lac de Luitel.

Lac du Luitel

Lac du Luitel © kopp38 (http://www.flickr.com/photos/kopp/)

Vue les deux portes horaires qui se profilent et l’heure déjà avancée, on ne traine pas sur cette pause. Tout juste 10 minutes, ça ne me laisse pas le temps de manger un morceau.
La première porte passe bien, mais la boucle optionnelle qu’elle cache est peu rentable. Dur d’évaluer le rapport entre le temps gagné (45′) et le temps perdu, mais j’espère ne pas louper la porte suivante !
La descente est bonne et Salomé est plus à l’aise que la veille.
On rattrape bientôt l’itinéraire principal puis la vallée de Vaulnaveys. La descente fut technique mais excellemment bien avalée par tout le monde.

Il nous faut être à 14h30 après les crêtes de Brié… Il est déjà 14h et cette porte me fait vraiment peur.
On donne tout. La pente gagne en pourcentage et nous perdons en vitesse de progression. J’aide un peu Bat sur la route. Oli, lui, est en mode remorqueur avec Salomé depuis qu’on a les vélos en main. La porte horaire a l’air de lui tenir à coeur lui aussi.
La dernière carte du week-end récupérée, on reçoit l’info que la barrière est repoussée de 10 minutes. C’est à double tranchant: on aura plus de facilité à passer, mais ça laisse la possibilité à nos poursuivants de l’avoir également.
La montée sur les crêtes est un peu raide. Je suis en hypo. J’ai trop peu mangé depuis le départ. Peut-être une barre et une tranche de jambon.
Pas le temps de se restaurer, il faut juste se serrer les coudes et tenir bon. Tout est dans la tête, ça va passer.

Ouf, voilà la bascule au sommet des crêtes. Il ne reste que de la descente, ou presque. Mais il ne nous reste que 5 petites minutes!
Chacun donne le meilleur de ce qui lui reste de force et de motivation. On arrive enfin à la porte, il est 14h32. ouf…

Je pousse mon vélo encore quelques mètres avant de le laisser sur le bord pour contrer cette mauvaise hypo. Un gel GO2 Nougat / Groseille et ça repart dar dar!
Le plus dur est fait. On est tous bien contents d’avoir fait le taf. Plus grand chose ne peut nous arriver maintenant, la journée est réussie.
La montée au fort des 4 Seigneurs n’est pourtant pas de tout repos. Il faudra encore un peu serrer les dents pour en finir.
On rejoint enfin le sommet et Max, local de l’étape, nous ouvre la route.
On croise Christophe de 3D Trail en pleine séance.
La descente est un régal et toute l’équipe a le moral au beau fixe.
On termine notre périple par la descente du fort du Murier, sur Gieres, arrêt chrono.

Encore quelques kilomètres de piste cyclable sont à avaler pour rallier la « vraie » arrivée, et la toute dernière épreuve: Biathlon.
Le soleil brille sur Grenoble et sur nos gueules pleines de boue.
Le biathlon est vite avalé, avec le 6ème temps, on prend notre revanche sur le mauvais Tir à l’Arc de la veille.

Max volant au biathlon

Max volant au biathlon

Il est déjà 17h, Batou file voter à St Pierre, Salom et Oli à Claix et moi sur St Paul.
Voter pieds nus et tout crotté, ça n’a pas de prix. Mention spéciale à ce Monsieur bien habillé et son écharpe rouge « C’est pour ça que je vote Hollande, pour les pauvres malheureux comme vous qui n’ont pas d’argent pour s’acheter des chaussures ». Magique.

Retour express sur Gre, devoir de citoyen accompli, juste à temps pour grimper sur la première marche avec Maxou.
Salomé et Oli manqueront l’ovation pour quelques minutes…

C’est la 3ème victoire de l’équipe sur ce raid, ma 5ème participation, et le plaisir est inchangé. Je signe pour les dix prochaines années les yeux fermés.

Merci les copains pour ces beaux moments partagés,  je vous aime.

Les copains!

Les copains!

N’oublions pas un grand merci à tous les bénévoles et organisateurs qui font de ce raid une réussite pour tous.

A l’année prochaine !

A ne pas manquer: le super récit d’un bénévole